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L’Imagination active : quand l’âme prend la parole

Description de l'article de blog : Cet article explore la manière dont l’imagination active, telle que pensée par C. G. Jung, ouvre un espace où l’image intérieure devient un partenaire vivant du processus thérapeutique. À travers les voix de Jung, Bachelard, Durand, von Franz et Hillman, le texte montre comment les symboles, autonomes et porteurs de mémoire, agissent comme des vecteurs de transformation psychique. L’imagination active y est présentée non pas comme un exercice mental, mais comme une rencontre — une visitation intérieure où le sujet écoute, dialogue, et se laisse transformer par les figures qui émergent du profond. Entre psychanalyse, phénoménologie de l’imaginaire et ouverture spirituelle, l’article dévoile une pratique où l’âme se met en mouvement et révèle ses vérités sous forme d’images vivantes.

Suellen Barros

11/28/20253 min temps de lecture

L’Imagination active : quand l’âme prend la parole

Il existe des moments où l’image intérieure apparaît avec une telle insistance qu’elle semble frapper à la porte de la conscience. Elle ne demande pas à être interprétée, mais à être rencontrée. C’est peut-être là le cœur de ce que Jung appelait l’imagination active, cette traversée où l’être humain accepte enfin de dialoguer avec ce qui, en lui, n’a jamais cessé de parler.

Jung écrivait : « L’image est un être psychique vivant qui exige d’être écouté. »

Cette affirmation, en apparence simple, bouleverse tout : elle reconnaît à l’image une autonomie, une respiration propre, une intention qui n’est pas celle du moi. L’imagination active n’est pas une création volontaire : c’est un événement. Une visitation.

Lorsque l’image surgit, elle porte avec elle une densité, une mémoire, une source. Gaston Bachelard disait que « l’imagination est une puissance majeure de la nature humaine ». Non pas fantaisie, mais puissance. Non pas distraction, mais chemin.

Et Gilbert Durand, poursuivant cette lignée, rappelait que l’imaginaire est « le dynamisme organisateur du réel humain » — un axe invisible autour duquel tourne la totalité de l’existence.

Ainsi, pratiquer l’imagination active revient moins à “produire” qu’à accueillir. À laisser se rapprocher ce qui, d’habitude, reste dans l’ombre. Une figure apparaît : un enfant, un animal, une femme blessée, un vieillard silencieux. Il n’est jamais anodin de voir surgir un personnage dans le paysage intérieur : chaque figure porte une part oubliée, une blessure, une sagesse ou un conflit dont la psyché réclame la mise en mouvement.

Marie-Louise von Franz l’explique admirablement : « L’image qui émerge dans l’imagination active est l’exacte contrepartie de l’état affectif du sujet. Elle est sa vérité sous forme symbolique. »

Ce que nous refusons de regarder directement revient sous forme de symbole. Et le symbole, tel que l’entend Jung, n’est pas une décoration : c’est une fonction vivante, une réalité psychique qui relie la conscience à l’inconscient et l’individu à l’archétype.

Il ne s’agit pas de contrôler l’image, ni de chercher à la purifier ou la sublimer. L’image se déploie comme un acte spontané de la psyché. Le rôle du sujet est d’en maintenir la présence, d’y demeurer attentif, sans la juger, sans la contraindre. « Laissez venir ce qui vient », écrit Jung dans Le Livre Rouge, ce texte incandescent où il expérimente lui-même l’imagination active jusqu’à ses limites mystiques.

Dans cet espace intérieur, la logique rationnelle se relâche. Une autre cohérence s’avance : celle du symbole, qui ne ment jamais, celle du mouvement de l’âme, qui cherche sans cesse son intégration. James Hillman disait : « Le psychique est fait d’images, et ces images ne veulent pas être expliquées, mais honorées. »

L’imagination active est justement cet honneur rendu à l’âme, cette écoute profonde où l’on admet que ce qui apparaît n’est pas “quelque chose que l’on voit”, mais “quelque chose qui nous regarde”.

Les neurosciences contemporaines, sans pourtant rejoindre la poésie de Jung, viennent confirmer que l’image intérieure mobilise le réseau du mode par défaut, zone cérébrale associée au soi autobiographique, à la mémoire affective et à la construction du sens. Antonio Damasio va jusqu’à affirmer que « la conscience est tissée d’images » — ce qui ne contredit pas vraiment la psychanalyse jungienne, mais lui ouvre un nouvel éclairage biologique.

Lorsque l’on pratique l’imagination active, une scène s’anime. Et cette scène n’est jamais neutre : elle révèle une tension, un appel, un déplacement nécessaire. Elle montre ce que l’âme cherche à transformer. La figure peut parler, se taire, se détourner, avancer. Elle peut guider, menacer, éclairer. Tout dépend de ce que le sujet est prêt à rencontrer.

Parfois, dans cette rencontre, une dimension spirituelle s’ouvre. Jung lui-même en témoigne : « L’imagination me conduisait vers un dieu intérieur que je n’avais jamais nommé. »

Il y a, dans ces profondeurs, un moment où l’archétypique rejoint le sacré — non pas un sacré dogmatique, mais un sacré vécu, un lieu où le psychique se fait théophanie. Et ceux qui, comme toi, vivent leur spiritualité de manière incarnée, y trouvent souvent un langage qui dépasse la parole humaine.

L’imagination active n’est donc pas un exercice : c’est une relation.

  • Une relation à l’image.

  • Une relation à l’inconnu intérieur.

  • Une relation à la part la plus secrète de soi.

Et peut-être, ultimement, une relation au divin.